dimanche 24 avril 2011

Les beautés cachées du Plateau

Le retour du printemps marque la réouverture de la "saison des ruelles". Plateau Milieu de Vie est allé rencontrer un résident amoureux de son coin de quartier et instigateur (entre autres) du verdissement de sa ruelle. Entre Cartier et Papineau, juste au nord de Laurier, visite d'une toute petite enclave de calme et de verdure en pleine ville.

Le printemps est bientôt là, les branches sont couvertes de bourgeons.
La ruelle est parmi les plus étroites du Plateau, mais l'entrée en est tout de même bloquée par un gros pot de fleurs posé en plein milieu. Il joue le même rôle que les pots de ciment que l'arrondissement a posés à certaines entrées de ruelle pour y empêcher la circulation de transit.

On peut s'étonner que des voitures aient jamais emprunté une ruelle aussi étroite... mais la suite de la visite va nous montrer qu'avec fort peu de moyens, le paysage et la largeur apparente ne ressemblent plus du tout à ce qu'ils devaient être du temps où la ruelle n'était pas une de nos belles Ruelles vertes.

"Je suis un ramasseux. À une période, j'ai ramassé tous les morceaux de ciment cassés que je trouvais. Certains étaient plus beaux que d'autres, avec des cailloux dedans... je rapportais tout. Je les ai posés là, sur le bord. Après plusieurs années, la nature les a érodés comme faut. Maintenant on ne les voit même plus, il faut vraiment savoir qu'ils sont là pour les remarquer. Mais ils jouent super bien leur rôle de retenir la terre dans les plates-bandes. Sinon à la moindre pluie, ou avec le dégel, tout ça partirait dans la ruelle, on aurait de la bouette partout."



Différentes façons d'aménager des plates-bandes : à gauche, le béton scié. Au centre un paysagement avec des pierres de carrière. Ces deux aménagements faisaient partie du budget initial. Quand il n'y a plus eu de budget, les résidents ont mis leur imagination à contribution : à droite, une plate-bande délimitée par des briques de récup. Ailleurs ce sont de vieux bacs à fleurs, des 4x4 récupérés lors de rénovations, des morceaux de palettes, etc.
"Les portions où le ciment a été scié sont très peu nombreuses : c'est ça qui côute le plus cher. Avec un programme de ruelle verte à l'éco-quartier, on a un budget, oui, mais au bout de 10 mètres de ciment scié de chaque bord, on est à sec !" C'est ce qui explique que pour la majeure partie de ses aménagements, cette ruelle dispose de plates-bandes de plantation "bricolées".

Recyclage vintage made in Plateau Mont-Royal : "Ces trucs-là je les ai ramassés au Champ des Possibles l'été dernier (2010). Je les avais remarqués au moment de la corvée d'herbe à poux, et je suis retourné les chercher avec mon vélo."
"Une ruelle verte, c'est beaucoup de cheveux gris. Tous les voisins ne sont pas toujours d'accord. Et même si la majorité est de votre bord, il suffit d'un seul mécontent pour rendre le projet difficile. C'est encore plus difficile quand il y a des stationnements sur la ruelle. Ce n'était pas notre cas, mais certains voulaient tout de même pouvoir passer leur voiture dans la ruelle en tout temps. Ça n'a pas été facile."
À nos questions sur les essences et espèces qui poussent dans sa ruelle, André donne une réponse pour le moins inattendue :  
"On n'a quasiment rien planté. Au contraire, je passe mon temps à arracher des arbres qui ont décidé de se mettre là ! Les ormes de Chine, ça arrive et ça envahit très vite. On en a quelques uns très beaux, mais il faut laisser la place à d'autres. On s'est rendu compte au début que les plantes achetées dans les magasins se faisaient systématiquement voler. Alors on a préféré laisser faire la nature, pour la biodiversité, et pour ce qu'on veut planter, on évite les espèces du commerce. On prend des boutures chez des amis qui ont une plante qui nous plaît..."

Inutile de dire qu'il s'agit toujours d'espèces indigènes, donc robustes...

On trouve de tout dans une ruelle où la biodiversité a libre cours. Même des fraisiers sauvages !
La ruelle est équipée de réservoirs pour récupérer les eaux de pluie. De simples poubelles de plastique percées au fond et munies d'un robinet.  
"Pour l'hiver on les couvre en les laissant aux trois quarts vides pour éviter que ça casse avec le gel et le dégel. L'été on les ouvre, on y met un grillage fin pour pas que les maringouins viennent pondre là, et pour retenir les feuilles. Dès qu'il pleut, un gros orage par exemple, ça se remplit à toute vitesse."

Système D à coûts zéro pour l'arrosage de la ruelle. Le mot d'ordre, c'est 1) récup, 2) récup, et 3) récup !
André a installé des bacs de récupération des eaux de pluie sous ses gouttières, avec tout un système de renvoi de l'un à l'autre par tuyaux et boyaux interposés. Arroser la ruelle, c'est surtout vers la fin de l'été que ça devient nécessaire, "mais même à ça, on ne les vide jamais complètement."
Dans la ruelle d'à côté (Cartier/Dorion), la canopée feuillue sera bientôt verte. Le sol en ciment est propre, très peu de déchets et de crottes de chien : les résidents sont à leur affaire et leur ruelle fait envie.

Terrain de jeux idéal pour une garderie...
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Les ruelles sont à la fois les poumons et les veines des anciens quartiers de Montréal - le Plateau parmi d'autres - en permettant à nous autres citadins de respirer un peu d'air presque campagnard, et de faire circuler les nouvelles, les idées, les enfants, la vie. Elles qui autrefois étaient réputées des coupes-gorge où on faisait de mauvaises rencontres, sont en train de se voir réinvesties par leurs riverains.

Les ruelles vertes font même l'objet de visites guidées, organisées en été par le collectif d'animation urbaine L'autre Montréal.

En savoir plus sur les ruelles vertes : http://ruelleverte.wordpress.com/

Mais leur survie est menacée par le passage des véhicules : rien de plus facile à écraser en VUS qu'une plate-bande amoureusement entretenue... La linéarité régulière, si propice aux déplacements automobiles, est non seulement moins invitante d'un point de vue paysager, mais en plus dangereuse dans le cas des ruelles plus larges : il en existe qui servent de voie de contournement aux rues trop défoncées par les nids de poule...

Question à 1000$ : saviez-vous qu'un groupe de résidents peut se porter acquéreur de sa ruelle auprès de la Ville de Montréal ?

À Plateau Milieu de Vie, nous sommes persuadés que les ruelles devraient être réservées au seul usage piéton, cycliste, de voisinage, familial, ludique - alouette. Le stationnement devrait y être à tout le moins limité (pour partir de la réalité actuelle), à terme interdit. On rêverait, pour commencer, d'un moratoire sur tout nouveau stationnement sur ruelle... Dans la volonté affichée de la Ville de Montréal de retenir les familles en ville, ne serait-ce pas là un atout de choix pour les appartements bordant ces ruelles que de dire qu'elles peuvent désormais, en toute légitimité, être considérées comme un jardin collectif ?

La ruelle de demain, stationnement de secours ? 
Ou jardin de secours ?

1 commentaire:

Heather a dit…

You took something from le Champs des Possibles?! Bravo.